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arts-ticulation
13 décembre 2011

Martin LE CHEVALIER

Martin Le Chevalier développe depuis la fin des années 90, un travail portant un regard critique sur les idéologies et les mythes contemporains. Artiste numérique multiforme, ses supports vont du CDRom à l’œuvre en ligne. Les représentations qu’il propose de notre époque sont souvent constituées des outils et des processus qui la caractérisent. A citer notamment Vigilance 1.0, un jeu vidéo où nous endossons le rôle d’un surveillant face à ses écrans de contrôle, cliquant frénétiquement sur de minuscules personnages animés, espérant qu’ils aient commis quelques délits pour augmenter notre score.

 Vigilance 1.0
jeu de vidéo-surveillance, 2001

Le joueur est face à une série d'écrans qui lui permettent de surveiller simultanément de nombreux lieux: rues, supermarchés, parkings, boutiques, immeubles, écoles, etc. Son objectif est la délation. Dans un temps limité (son temps de travail), il doit déceler un maximum d'infractions: cambriolages, vols d'autoradio, transgressions du code de la route, abandon de détritus, deal de drogue, racolage, proxénétisme, alcoolisme sur la voie publique, attentats à la pudeur, détournement de mineur, harcèlement sexuel, adultères, incestes, pédophilie, zoophilie, nécrophilie, etc. A chaque flagrant délit, le score augmente, à chaque diffamation, il baisse. Chaque citoyen étant un délinquant en puissance, toute infraction impunie augmente le taux d'amoralité de la société. Une bonne vigilance entraînera un assainissement des mœurs, un retour du sens de l'effort, de la famille et de la solidarité. Une vigilance insuffisante plongera immanquablement la population dans le chaos et la turpitude.

Empêché d'exercer son esprit critique par l'appât du score, le joueur se trouve confronté à un paradoxe: il continue à se comporter en justicier implacable tout en comprenant peu à peu que jouer le jeu, c'est jouer contre le discours du jeu. Les lieux où la dénonciation opère - critique de la société de contrôle, de la visibilité totale, de l'espionnage généralisé -, déguisés sous des écrans qui rappellent des jeux d'enfance, placent finalement le joueur en position de se dénoncer lui-même.

LE_CHEVALIER_Martin___image_vigilance


Gageure 1.0 – 1999
Jeu video

C’est un simulateur d'existence. Il nous propose d'oublier, durant quelques instants, cette peur du vide que nous partageons tous. Nous allons provisoirement nous sentir exister, nous réaliser, devenir quelqu'un. La recette est simple : il suffit de croire au travail.

Cette métaphore prend la forme d'un cédérom. Pourquoi? Dilbert(1) donne la réponse dans une question : "Mais comment faisait-on pour avoir l'air de travailler avant l'invention de l'ordinateur?". Aujourd'hui deux salariés sur trois travaillent avec un ordinateur, qui est devenu l'outil de travail par excellence. En consultant Gageure 1.0, nous allons donc avoir l'air de travailler. Et nous allons jouer avec un employeur à la fois anonyme, imprévisible et inflexible : l'ordinateur.

Le visage cathodique de notre interlocuteur est sans aspérité. Couleurs élémentaires de la vidéo, quelques pixels en guise de typographie, nous sommes interpellés par des propos laconiques au centre d'écrans uniformes.

La machine s'adresse à nous. Elle nous promet un épanouissement professionnel et personnel. Cette promesse est une propagande. C'est celle du capitalisme contemporain : le discours managerial. Ce discours, garant de la centralité du travail, nous berce au moyen d'un jargon constitué d'euphémismes mobilisateurs, et nous invite à nous conformer à ses modèles de réussite.

La réussite annoncée ne viendra jamais. D'abord confrontés à un simulacre d'entretien d'embauche, ignorants de ce que nous réserve la machine, nous allons peu à peu découvrir le caractère labyrinthique de Gageure 1.0. Tantôt acteurs de jeux aussi aliénants que le travail et la consommation, tantôt ballottés par un tout-puissant insondable, nous constaterons la vanité de nos espoirs d'épanouissement.

LE_CHEVALIER_Martin___Gageure

 http://www.martinlechevallier.net/

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