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arts-ticulation
6 octobre 2020

Les nouveaux censeurs ?

Déboulonnages en série...

Les affaires de déboulonnage « spontané » de statues se sont multipliées cet été, et l’article (1) de la sociologue Nathalie Heinich, paru dans la torpeur estivale, mérite d’être médité. Les aspirants déboulonneurs s’inspirent des méthodes issues de la fameuse « cancel culture », chère aux campus et aux réseaux sociaux nord-américains. Ce qu’on pourrait traduire par « culture de l’annulation » ou même « culture de la censure ». Outre-atlantique, en gros, les censeurs seraient à gauche et les anti-censeurs, à droite. Pour la sociologue  la censure  de ces « annulateurs », qui prétend s’exporter en France, « n’a rien de progressiste, en dépit du crédit que leur confère la légitimité de leur cause ».

En effet, aux USA, le premier amendement de la Constitution (comme le premier article de la charte canadienne des droits et libertés), fait de la liberté d’expression un « droit fondamental positif »  donc a priori toute entrave à ce droit est anticonstitutionnelle. Tandis qu’en France, la liberté d’expression est encadrée par la Loi (qui bannit l’incitation à la haine, l’appel au meurtre, les discriminations sexuelles, le négationnisme...), la liberté d’expression « en Amérique du Nord ne peut guère être bridée que par la mobilisation publique ». Et quand la Loi ne régit rien, c’est le citoyen qui s’en charge « au risque de l’arbitraire d’une guerre civile larvée » et des appels au lynchage médiatique qui, explique N. Heinich, finissent par terroriser là-bas (en attendant ici) journalistes, enseignants et chercheurs. La « cancel culture » est donc, pour elle, le fruit amer « du sous-développement juridique nord-américain ».

On pourrait objecter que le « sur-développement » juridique  français (qui s’immisce jusque dans la vie privée !) peut, lui, conduire à un cauchemar orwellien où l'histoire est officiellement réécrite (voyez à Rouen le déboulonnage de la statue de Napoléon préparé par le maire). Pour la sociologue, « quelles que soit la justesse des causes défendues, l’on ne peut se contenter de condamner les « excès » de ces militants radicaux tout en suggérant que la fin justifie malgré tout les moyens ». Le risque est grand, en effet, que cette revendication de « la liberté sans limites d’interdire la parole » fasse régresser à la loi de la meute.

Christine SOURGINS

https://www.sourgins.fr/deboulonnages-en-serie/

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